Medium Douce et Madeleine, deux talents émergents
Le soutien à l’émergence des artistes issus du territoire est un volet à part entière de la politique musiques actuelles du Département. À l’occasion du festival Chorus des Hauts-de-Seine, le jeudi 30 mars neuf groupes s’apprêtent à bénéficier d’une exceptionnelle vitrine auprès de la filière.
Jusqu’à l’été, saison des festivals, les déplacements vont aller crescendo pour Medium Douce. « Après avoir pas mal tourné dans les Hauts-de-Seine, on commence à élargir notre périmètre », explique Johann. « En 2022 on a fait beaucoup de Bretagne et d’Est, mauvaise stratégie », pouffe Manon. « Il n’y a pas un centimètre cube de perdu dans les véhicules », s’amuse Justine.
Le son électro-acoustique de ces quatre amis du conservatoire, riche en percussions de type marimba, batterie ou vibraphone, est en effet un peu encombrant… Né à Versailles en 2016 et basé à Saint-Cloud le groupe a été accompagné de 2019 à 2021 par le 25 de la Vallée, le pôle « musique actuelles » de la MJC de Chaville. « On maîtrisait notre jeu et nos enchainements, par contre on avait besoin de travailler notre son en conditions de concert », se souvient Manon. Avec ses studios, sa salle de spectacle et son café-concert, l’endroit était approprié. « Il est naturel pour les émergents d’aller voir l’acteur de proximité, puis petit à petit d’aller de plus en plus loin, pour chercher d’autres ressources, d’autres dates, estime le directeur de la MJC, Rémy Ardaillon. On essaie de leur donner les moyens d’avancer. »
Longueur d’avance
Ce travail de repérage et d’accompagnement est aussi mené sur le territoire par Le Tamanoir à Gennevilliers, Le Réacteur à Issy-les-Moulineaux ou encore la Maison Daniel-Féry, à Nanterre, dans le hip-hop, lieux structurants d’intérêt départemental pour les musiques actuelles, subventionnés à ce titre par la collectivité. « En programmant et en accompagnant des émergents, ils leur donnent une longueur d’avance en terme d’expérimentation de leur projet », estime Antoine Pasticier, le chef de projet musiques actuelles du Département – une catégorie qui englobe toutes les musiques hors classique. D’autres acteurs – écoles de musiques, MJC et collectifs, festivals – n’en sont pas moins essentiels dans le parcours, plus ou moins long, parfois fulgurant à l’ère des réseaux sociaux et de la musique assistée sur ordinateur, qui mène de l’amateur au professionnel. « Si ces structures municipales ou associatives (soutenues pour la plupart par le biais des contrats Département/ville, du schéma départemental d’enseignement artistique et culturel et de l’aide aux festivals, Ndlr.) n’existaient pas il n’y aurait rien après. Là où il y a ce type d’équipement, on constate que beaucoup de projets professionnels émergent ensuite », analyse le chargé de mission qui cite la SUM à Sèvres ou Musiques Tangentes à Malakoff.
À Chaville, Medium Douce qui souhaitait travailler la scène a été exaucé. Une première résidence – rémunérée – lui a permis de régler son ballet – ces percussionnistes jouant à échanger leur poste lors du spectacle, attention à la collision – suivie d’une seconde résidence pour le son et d’une troisième pour la lumière. Des restitutions de ce travail ont eu lieu lors du festival versaillais Électrochoc et à l’occasion d’un showcase privé. Alors qu’il leur paraissait « incroyable de se projeter sur un an », ils se sont peu à peu emparés de leur stratégie : arbitrage entre concerts et studio, EP et album, choix du calendrier des sorties…Deux ans, de nombreux concerts plus tard et à l’orée d’un troisième EP, Medium Douce cherche à s’entourer davantage : en plus de leur manager, un éditeur ou un tourneur seraient ainsi les bienvenus et leur permettraient de se recentrer sur l’artistique.
« On veut plus de musique et moins le reste », insiste Maxime. Medium Douce est leur projet principal mais pas leur seule activité musicale puis qu’ils jouent dans d’autres ensembles et que certains enseignent. « Il faut se diversifier », explique Johann. « Le métier de musicien, à 99 %, consiste à avoir un projet dans lequel on s’épanouit et de compléter à côté », confirme Rémy Ardaillon. « On ne compte pas faire un Zénith mais si ça se présente on ne va pas refuser », sourit Manon. « Ce type d’accompagnement débouche sur un projet solide et donne une assise très forte », observe Antoine Pasticier. « Aujourd’hui de plus en plus de projets débarquent de la chambre de quelqu’un. Des artistes font le buzz sans avoir fait un concert de leur vie mais dans dix ans, seront-ils encore là ? »
L’appel du large
Sous une frange myosotis accordée à ses yeux, Madeleine fait corps avec son personnage, une jeune femme entre « réel et rêve », auteur-compositrice et interprète d’une chanson française électro-pop aux réminiscences classiques et orientales. En 2018, alors que l’Isséenne a quitté son travail dans la finance pour se consacrer à ce projet solo, son entourage lui conseille d’aller voir le Réacteur – structure gérée par l’association Le Clavim et financée par la ville. Marino Crespino son directeur copréside le Réseau Ile-de-France des musiques actuelles (RIF) – fort de 150 structures qui mutualisent leurs savoir-faire au profit des artistes émergents.
Madeleine qui espérait « être éclairée sur les attentes des différents acteurs de cette industrie » ne pouvait espérer meilleur guide. Avec l’appui du Réacteur, elle a pu structurer son répertoire, studio et live, trouver ses techniciens ou encore décrocher une bourse du ministère de la Culture qui l’aide à payer certains cachets. Depuis elle a sorti deux EP, enchaîné pas moins d’une quarantaine de dates et mesure le chemin parcouru.
« Aujourd’hui on achète mon concert, alors qu’à l’époque je suppliais qu’on me laisse jouer ! » Elle reste cependant la principale organisatrice de ses tournées et espère trouver « le bon partenaire pour vendre le spectacle et le faire progresser. » « Madeleine est prête à émerger, maintenant il faut voir à quel moment son travail va pouvoir basculer dans le privé, être pris par un label, et distribué grand large » estime Marino Crespino qui a proposé sa candidature à l’Emergence Day du festival Chorus des Hauts-de-Seine, ce 30 mars où elle se produira aux côtés de six autres groupes du territoire. « Je suis très heureuse que cela arrive maintenant car je pense que le projet avait besoin d’une certaine maturité : il y a des rencontres qu’on n’a pas la chance de faire deux fois », réagit Madeleine.
Par Pauline Vinatier